Sur l’Île Berder, un hôtel de luxe sur une zone classée
On nous signale un article sur le site splann.org "Dans les coulisses d’un urbanisme littoral hors de tout contrôle" qui mentionne l'affaire de l'hôtel de luxe de Berder et les arcanes administratives autour de ce projet.
Prenez l’affaire Giboire sur l’Île de Berder (56). Cet îlot de verdure au cœur du Golfe du Morbihan est un lieu de promenade, auquel on peut accéder à pied à marée basse. Sur l’île se trouvent déjà deux bâtiments du XIXe siècle. Propriétaire des lieux, Michel Giboire, président à l’époque du groupe immobilier Giboire, a obtenu, en 2013, du préfet une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime pour des « activités en lien avec la mer » — une exception à la loi littoral, pensée pour dynamiser l’économie en lien avec le milieu maritime.
Entre juillet 2017 et début 2018, Michel Giboire a aménagé ces deux constructions, sans autorisation d’urbanisme : les ouvertures de l’ancienne pêcherie ont été modifiées, son intérieur a été aménagé et des cheminées créées, de façon à la transformer une résidence. Depuis, le propriétaire vient y passer du temps : c’est donc devenu un logement. Les changements de destination d’un bâti dans la bande des 100 mètres sont pourtant formellement interdits par la loi littoral. L’île abrite également en son centre un manoir.
Le PLU de la commune, approuvé en 2018, prévoyait que le groupe immobilier Giboire puisse le transformer en hôtel de luxe — un permis qui aurait augmenté de 30 % la surface bâtie. Face à ce qui constituait selon elles tant d’infractions, quatre associations de protection de l’environnement ont attaqué le projet et le PLU — et ont gagné (le jugement est définitif depuis la décision du conseil d’état du 10 novembre 2023). Le projet du Groupe Giboire est donc mis en pause. Pour l’instant du moins.
Le maire et son conseil municipal avaient pourtant été maintes fois alertés en amont.
« L’élaboration d’un Scot ou d’un PLU peut mettre plusieurs années, explique une source au ministère du Développement durable. Jusqu’à 10 ans parfois. Les élus doivent se mettre d’accord, mais les services de l’État peuvent aussi intervenir et les fonctionnaires de la DDTM peuvent être invités ou s’inviter aux réunions préparatoires. Dans le cas de l’affaire Giboire, les fonctionnaires de la DDTM ont alerté dès cette étape préliminaire sur la fragilité juridique que représentait le zonage de l’île Berder et les risques du projet hôtelier envisagé. Le maire a persévéré, convaincu de son projet.»
Mais le processus ne s’arrête pas là : « une fois le projet de Scot ou de PLU arrêté, l’État, représenté par les différents services préfectoraux, formule un avis, au titre de personne publique associée. Là encore, nombreux étaient ceux à pointer du doigt le problème de l’île Berder, abonde notre fonctionnaire. Suit une enquête publique, au cours de laquelle tout le monde est invité à réagir, y compris et surtout les citoyens. Les élus sont invités à répondre à toutes les remarques, des personnes publiques associées comme des administrés. Lorsque l’enquête se clôt, un commissaire enquêteur indépendant en fait une synthèse et formule à son tour un avis. »
En l’occurrence, la commissaire enquêtrice pour le PLU de Larmor Baden remarque que « le bâti de l’île de Berder peut difficilement être qualifié de village ou de secteur urbanisé de densité significative aussi son classement en zone U ne me paraît pas justifié ». Et de formuler un avis favorable au projet de PLU, mais assorti notamment de la réserve de protéger l’Île Berder comme espace remarquable. Malgré tout, le maire, à nouveau, n’a pas voulu amender son projet. Il n’a pas non plus donné suite à nos demandes d’éclaircissements à ce sujet.
Dans le cas de Giboire, le préfet n’a pas bougé, malgré toutes les réserves formulées par les personnes publiques associées, DDTM, associations, etc. « Certains préfets ne voient que des coups à prendre avec ces histoires d’urbanisme, analyse un très bon connaisseur de dossiers ayant trait à l’urbanisme littoral. Ils ne voient bien souvent aucun intérêt pour eux et leurs carrières à intervenir dans ces affaires d’urbanisme. C’est la raison pour laquelle ils peuvent, parfois, ne pas suivre les recommandations de leurs services, pour ne pas empêcher la réalisation des projets. »