Louise Gélinas disait…

Retour sur les vœux du Maire de Larmor Baden

Il y a des tâches comme ça qui nous incombent mais nous paraissent à tel point insurmontables que nous ne cessons d’en retarder l’échéance. Il en a été ainsi du visionnage des vœux de notre Maire, tant chacune de ses allocutions constitue la promesse d’une terrible épreuve. Ce n’est finalement qu’au 31 janvier, date limite de réception des vœux, que nous avons consenti à sacrifier 10 minutes de notre vie pour voir notre élu s’afficher à l’écran et nous dire tout le bien qu’il pense de lui-même. Toujours pénible à écouter dès lors qu’il s’exprime, au mieux soporifique, souvent consternant, Denis Bertholom est apparu fidèle à lui-même.

Puisqu’en pareilles circonstances rien n’est laissé au hasard, attardons-nous d’abord sur chacun des détails qui constituent la scène. Une flopée de médailles ostensiblement posées à sa gauche qui viennent très certainement récompenser l’ensemble de son œuvre. Une calculatrice supposée nous rassurer sur la bonne gestion des deniers publics mais qui doit chauffer dur lorsqu’il s’agit d’additionner les frais d’avocats engagés par la commune. A sa droite, Le Télégramme et le Ouest-France pour s’assurer qu’on parle de lui. Enfin, un casque de chantier qui trône sur le bureau, symbole du grand bâtisseur de la commune que notre Maire ne désespère pas de devenir, mais dont le brillant et le blanc immaculé laissent peu de doute sur l’usage qui en a été fait. Ce casque flambant neuf, en soi, vient nous rappeler que tous les projets d’urbanisme sont à l’arrêt mais il reste à portée de main, prêt à être saisi et aussitôt vissé sur la tête de notre Maire au premier coup de pelleteuse sur la commune. Denis Bertholom veut encore y croire, même s’il est bien le seul.

Mais revenons-en au contenu. Après huit longues minutes qui relèvent davantage de l’hagiographie que du bilan de l’année écoulée, Denis Bertholom invoque soudainement la Constitution et la déclaration des droits de l’homme pour rappeler le titre de propriété dont jouit Michel Giboire à Berder et défendre son droit inaliénable à laisser partir cette île en ruine. Ce n’est pas la première fois que notre Maire récite ses fondamentaux comme un mantra. En mai dernier, dans un article du Télégramme, il avait déjà brandi la Constitution pour défendre les intérêts de son ami. Espérons que cette Constitution lui soit si chère lorsque la préservation de l’environnement y sera inscrite dans son article 1er comme le souhaitent les parlementaires…

Quoi qu’il en soit, on ne saurait reprocher à Denis Bertholom de connaître ses classiques mais on pourrait aussi espérer de lui qu’il lève le nez des textes fondateurs de notre République pour venir humer l’air du temps. En l’espèce, il n’y semble pas vraiment disposé. Lorsqu’il défend son PLU par un mémoire communiqué au Tribunal administratif de Rennes dans lequel on peut lire qu’il entend faire de Berder « le fer de lance du tourisme et de l’hébergement dans le Golfe du Morbihan », on mesure ce qui le sépare des grandes problématiques de notre époque et des aspirations de ses contemporains. Certes, Denis Bertholom ne s’est jamais distingué par sa hauteur de vue. Mais profiter des vœux, qui sont traditionnellement l’occasion de se projeter dans l’avenir, pour venir une nouvelle fois s’arc-bouter sur un projet d’un autre temps, par ailleurs abandonné, témoigne d’un entêtement qui laisse perplexe.

Aujourd’hui, l’appropriation privative d’espaces naturels aussi remarquables que Berder pose problème, d’autant plus lorsqu’on la destine aux plus aisés pour maximiser les profits. Ce n’est pas une opinion, c’est un débat de société. L’extraordinaire mobilisation autour du collectif Berder Ensemble illustre la volonté de nos concitoyens de léguer aux générations futures un autre modèle que celui de l’argent roi. On peut être d’accord ou ne pas l’être mais un élu se doit de vivre avec son temps et de répondre aux inquiétudes de ses contemporains, qui portent principalement aujourd’hui sur les grands enjeux environnementaux. Mais non. Denis Bertholom préfère les fustiger de venir défiler dans « NOS » rues et de « ne pas porter haut les valeurs du droit de propriété ». Totalement hors-sol une nouvelle fois.

Mais comme dans toute bonne vidéo postée sur YouTube, le meilleur nous est réservé pour la fin… En homme de grande culture qu’il est, Denis Bertholom convoque doctement à ses côtés deux illustres personnages qu’il se plait à citer : la Duchesse d’Uzès puis… Louise Gélinas. Qui ça ?! Peut-être a-t-on mal entendu ! Alors, on reprend la lecture : « Louise Gélinas disait : on doit continuer à chercher pour trouver, etc. ». A la rédaction du Journal, on ne prétend pas détenir la science infuse. L’Histoire recèle très certainement de grandes femmes et de grands hommes dont on n’a jamais entendu parler. Nous nous sommes donc lancés à la recherche de Louise Gélinas. Inconnue dans le Robert des noms propres, inconnue à la Bibliothèque Nationale de France, Louise Gélinas ne renvoie pas non plus de résultat pertinent dans un recherche Google. Les rares fois où son nom apparaît, il renvoie vers deux ou trois sites commerciaux qui recensent des citations célèbres pour vendre de la pub. On y retrouve donc cette citation qui lui est attribuée : « on doit continuer à chercher pour trouver, etc. » Mais rien de plus sur son autrice.

En fait, personne ne connaît Louise Gélinas. Elle n’existe sur Internet que pour cette citation dont on ne saura jamais d’où elle provient. Et Denis Bertholom, solennellement, de citer Louise Gélinas : « Louise Gélinas disait… ». Décidemment, notre Maire n’en rate pas une ! On lui reconnaîtra tout de même le mérite de nous faire rire en l’imaginant compulser fiévreusement le Net à la recherche de citations à placer dans son discours pour en relever la gravité et la solennité. Il ne fallait pas vous donner cette peine M. le Maire. Finalement, peut-être mieux vaut-il s’en tenir à la Constitution, au moins, on sait d’où elle vient et qui l’a écrite. C’est certainement moins drôle, mais quand même moins casse-gueule que de citer des gens dont on ignore tout.



p.s. : La citation se termine par ... "QUAND LE SOLEIL SE PERD DANS LA NUIT, L'ESPOIR GUETTE UN REFLET". N'est-ce pas une jolie phrase à appliquer à notre élu ! Le maire nous incite à "guetter" un espoir ! Y aurait-il du changement dans le proche futur ? Une démission ? Des réunions de concertation avec les "associations" sur le thème "Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"