LE BAGNE DE GUYANE de 1850 à 1953

Le bagne colonial de Guyane - c’était son nom - a fonctionné exactement un siècle, de 1850 à 1953 , après la seconde guerre mondiale, et bien que sa suppression ait été décidée par un décret-loi de 1938. Quelques 70.000 condamnés ont subi ce que d’aucuns ont appelé l’enfer vert, la terre de la grande punition selon l’historien Michel Pierre, ou encore la “guillotine sèche” selon l’expression de Tronçon-Ducoudray.

Il y eut une sorte de parenthèses avec le bagne de Nouvelle-Calédonie où ont été envoyés pendant une quinzaine d’années d’abord les déportés de la commune de 1870, dont Louise Michel et Rochefort, puis les droits communs auquel l’administration métropolitaine a voulu épargner pendant un temps le climat réputé difficile de la Guyane. Mais le bagne de Guyane n’a jamais cessé d’exister pendant cette période.

Pourquoi la Guyane ? Plusieurs facteurs ont joué un rôle dans ce choix : d’abord une volonté de coloniser une terre encore très peu peuplée, la dernière tentative de colonisation de masse ayant échoué 100 ans avant la création de la colonie pénitentiaire : c’est Choiseul, ministre de la marine et des colonies de Louis XV, qui, après avoir recruté quelques 10.000 volontaires dans toute l’Europe en 1763, leur a fait traverser l’océan à bord d’une cinquantaine de navires puis débarquer sans réelle préparation ni infrastructure à Cayenne et acheminer en pirogue sur les rivages de Kourou. Ce fut un désastre qui se solda par la mort de plusieurs milliers de colons, hommes femmes et enfants, les survivants se réfugiant dans les trois îles au large de Kourou, lesquelles seront par la suite baptisées « Iles du Salut » pour cette raison.

Ce sont ces trois îles qui verront les premières installations des bagnes de Guyane. L’île Royale, la principale, abritant les bâtiments de l’administration pénitentiaire ; l’île Saint-Joseph qui connaîtra les sinistres cellules de réclusion et les cachots, et l’île du Diable qui sera dévolue aux déportés politiques, et où sera enfermé pendant quatre ans le capitaine Dreyfus jusqu’à sa réhabilitation.

Une seconde raison liée à la volonté de colonisation a été la fin de l’esclavage en 1848 et donc la privation de main-d’oeuvre gratuite qu’il fallait remplacer.

Enfin, et cette motivation prendra rapidement le dessus sur toutes les autres, les responsables politiques de l’empire et de la IIIe République ont considéré que la perspective du bagne de Guyane était une aubaine dans la mesure où il permettait d’éloigner les ennemis du régime et de faire disparaître du territoire tout ce que la métropole comptait de malfaiteurs, de meurtriers, mais aussi de vagabonds ou mendiants, tout ceux que la misère conduisait à l’exclusion sociale.

Ainsi, la bourgeoisie parisienne souhaitait se défaire des quelques 14.000 vagabonds et mendiants que comptait la capitale en 1880.

D’un point de vue de la déportation politique, la Guyane avait déjà connu une expérience à l’époque de la révolution française avec une loi de 1792 qui ordonna le transport en Guyane des prêtres, refractaires et condamnés politiques : au printemps 1798, le Directoire fit déporter plus de 300 condamnés dont une majorité de prêtres qui furent rapidement décimés par l’épuisement et la maladie en quelques mois sans avoir pu amorcer la moindre mise en valeur de la colonie.

Mais l’histoire du bagne de Guyane commence bien un demi-siècle plus tard en 1850 :
- en 1848, le Baron Portal, ministre de la marine et des colonies faisait observer que le nombre de forçats pris en charge par la marine dans les bagnes de Toulon, Rochefort et Brest atteignait 12.000 personnes, et il exprimait le voeux de transporter ce que l’on appelait à l’époque la “chiourme” dans une colonie.
- en 1850, le Prince Président Louis Napoléon prononçait un discours devant l’Assemblée Législative dans lequel il exprimait le souhait de voir la peine des travaux forcés transformée, la voulant « plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse et plus humaine » en l’utilisant au profit de la colonisation française.

La même année, comme en écho, Victor Hugo prononça l’un de ses discours les plus violents devant la chambre. « On combine, déclara-t-il, le climat, l’exil et la prison : le climat donne sa malignité, l’exil son accablement et la prison son désespoir ; au lieu d’un bourreau, on en a trois. La peine de mort est remplacée dites vous ? Quitter ces précautions de parole, cette phraséologie hypocrite, et dites avec nous : la peine de mort est rétablie.! »

Hélas ! cet avertissement clair et lucide ne fut pas entendu, pas plus que celui du Gouverneur Fourrichon, arrivé en Guyane en 1854, et qui démissionna aussitôt au motif qu’il ne voulait pas être « le premier bourreau de France ».

– en avril 1850 l’Assemblée Nationale décidait que dans tous les cas où la peine de mort était abolie, – il s’agissait de la déportation politique – elle serait remplacée par la déportation dans une enceinte fortifiée.

Ce furent un décret du 27 mars 1852 puis une loi du 30 mai 1854 qui donnèrent satisfaction au Prince Président en créant la transportation des condamnés aux travaux forcés en territoire colonial et en choisissant pour cela la Guyane. La loi de 1854 définissait les conditions exactes de la transportation :
- Article 1 : La peine des travaux forcés sera subie à l’avenir dans des établissements créés par l’empereur sur les territoires des possessions françaises autres que l’Algérie.
- Article2 : Les condamnés seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonie.
...
- Article 4 : Les femmes seront séparées des hommes et employées à des travaux en rapport avec leur âge et avec leur sexe.

Le premier convoi de condamnés, parti de Brest le 31 mars 1852 à bord de la frégate L’Allier, fut débarqué aux Iles du Salut : il s’agissait de 298 condamnés extraits des bagnes de Brest et Rochefort ainsi que de trois déportés politiques.

Par la suite, les installations du bagne vont s’étendre à Kourou, à Cayenne, dans des camps forestiers tels que ceux de Charvein et Godebert, sur les chantiers de la route coloniale n°1 et et surtout à Saint-Laurent du Maroni où sera créée le 13 mai 1860 une commune pénitentiaire, institution unique en France.

L’acheminement des forçats se fera ensuite de façon immuable depuis le pénitencier de Saint-Martin de Ré jusqu’à Saint-Laurent du Maroni pour une traversée d’environ 15 jours à bord de navires équipés de cages, le dernier en service et le plus connu étant le Lamartinière qui pouvait embarquer jusqu’à 600 forçats à raison de 100 par cage.

Photos http://philippepoisson.h.p.f.unblog.fr/files/2008/10/lemartinirebateauprison1.pdf

À leur arrivée à Saint-Laurent, les forçats étaient aussitôt enfermés dans des dortoirs collectifs où ils étaient entravés aux chevilles la nuit en attendant leur affectation définitive ou leur départ vers un chantier.

La société française du second empire et de la IIIe République pouvait se donner bonne conscience en pensant que les forçats qui subissaient pareil traitement étaient tous des criminels endurcis et irrécupérables.

Mais il n’en fut rien. À titre d’exemple, une statistiques de 1903 : 20 % de meurtriers, 5 % d’incendiaires, faux-monnayeurs ou escrocs; 75 % de voleurs, vagabonds ou mendiants récidivistes.

En effet, fut votée en 1885 une loi créant la relégation, et dont l’article premier était ainsi rédigé :
« la relégation consistera dans l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions des condamnés que la présente loi a pour objet d’éloigner de France. »

La relégation était donc une mesure d’éloignement définitive qui ne constituait légalement qu’une peine accessoire à une peine d’emprisonnement, même de quelques mois seulement. On verra que la relégation s’est bientôt révélée comme une peine d’élimination et hélas souvent une condamnation à mort différée.

La relégation visait à sanctionner les récidivistes stigmatisés par Waldeck-Rousseau (par ailleurs maître d’oeuvre de la loi de 1901 sur les associations) dans les termes suivants : « la loi sur la relégation doit atteindre encore les vagabonds et les mendiants incorrigibles, ce délit particulier que nous avons appelé le vagabondage professionnel ».

Et le processus était ainsi engagé pour envoyer au bagne de Guyane toute une population misérable, marquée du sceau de l’infamie – tant le seul terme de bagnard ou de forçat était par lui-même infamant – et vouée à la disparition dans l’indifférence générale.

Photo : Départ des relégués de St Martin de Ré en 1936, Dr Jean Crézé, 1936

Ainsi Emile Voulet, condamné pour vol en récidive à 10 mois de prison voyait sa peine assortie de la rélégation. Privé de toutes ses attaches familiales depuis son départ de la Rochelle, il mourut quelques mois après son arrivée en Guyane.

Maurice Levasseur, condamné à trois ans de réclusion pour vol de nuit en réunion fut embarqué pour la Guyane en 1901; bien que son dossier de forçats le décrive comme ayant une très bonne conduite, bon travailleur, il mourut en 1904.

La relégation, peine accessoire d’éloignement, devenait peine principale, celle dont on ne revenait pas ...

Des femmes aussi, il est vrai en plus petit nombre, seront condamnées à la transportation ou à la relégation :

Janine Mantot fut condamnée pour vol et mendicité en récidive à six mois de prison assortie de la relégation. En dépit de ses supplications pour ne pas être éloigné de sa famille de son enfant, elle fut expédiée en Guyane dans un convoi de 1889 et mourut quatre ans plus tard à l’hôpital de Saint-Laurent du Maroni à l’âge de 47 ans.

Marie Moutet, condamnée pour prostitution en récidive à huit mois d’emprisonnement et à la relégation, ne survécu que quelques mois à son arrivée en Guyane.

D’une façon générale, la situation des forçats était aggravée par la peine du doublage : chaque condamné à une peine de moins de huit ans devait rester en Guyane pendant une durée équivalente à l’emprisonnement prononcé. Au-delà de huit ans, le condamné devait rester dans la colonie à perpétuité.

S’ajoutait à la durée de l’emprisonnement et donc au doublage, les peines prononcées sur place par cette autre institution du bagne qu’ était le tribunal maritime spécial.

Si l’on sait que le retour était pratiquement impossible car laissé aux frais du condamné libéré qui ne pouvait payer son billet avec son maigre pécule, très rares étaient les transportés qui pouvaient rejoindre la métropole à l’issue de leur peine. D’ailleurs, ceux qui survivaient à la période d’internement étaient des hommes brisés, sans ressort, que l’on voyait souvent attendre la mort aux alentours des marchés de Cayenne ou de Saint-Laurent.

En fait la misère psychologique des transportés et relegués (les déportés politiques n’étaient pas astreints au travail), brusquement privés de toutes leurs attaches affectives, contraints au travail sous un climat rude, sous-alimentés – la sous-alimentation des forçats est une constante du bagne – ne pouvaient résister à la pénibilité des travaux, aux mauvais traitements et humiliations auxquels s’ajoutaient les fièvres et parasitoses diverses.

Le taux de mortalité fut très vite effrayant, jusqu’à 16 % par an, et cela aboutissait à l’élimination physique de la plupart des forçats en un peu plus de 6 ans. On a calculé également qu’une femme condamnée à la relégation ne survivait pas en moyenne au-delà de trois ans. À part quelques célébrités ou personnes protégées employés à des tâches de secrétariat ou d’intendance, la grande masse des transportés et relégués étaient contraints à des travaux de force dans des conditions effroyables.

Aux camps Charvein et Godebert par exemple, les forçats étaient astreints à l’abattage des arbres et au halage des grumes auxquels ils étaient attelés comme des bêtes de sommes, tâche rendue plus difficile encore par le manque de nourriture, la chaleur, les moustiques et parasites intestinaux, sans parler des mauvais traitements : on mourait de fièvre, de dysenterie, de cancer de l’estomac, d’épuisement et de misère physiologique.

Le chantier de la route coloniale numéro 1 sensé relier Cayenne à Saint-Laurent du Maroni (250 Km) ne sera jamais achevé en un siècle de bagne, mais son parcours sera jonché des cadavres de ces malheureux.

Comme si cela ne suffisait pas, il y avait aussi un régime disciplinaire féroce avec une juridiction spéciale, le tribunal maritime spécial , dont les trois membres étaient nommés par le gouverneur, et qui comprenait un officier, un juge et un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire.

Ce tribunal – on devrait plutôt dire cette commission disciplinaire – pouvait condamner les tentatives d’évasion, les actes d’indiscipline ou les voies de fait à l’égard des surveillants militaires en prononçant des peines de réclusion cellulaire jusqu’à cinq ans, de cachot jusqu’à un mois consécutif, mais aussi des peines de mort en cas précisément de voie de fait sur un surveillant. Il y eut une centaine d’exécutions capitales pendant la durée du bagne.

Les condamnés à la réclusion cellulaire et au cachot étaient enfermés pendant des mois, parfois des années dans des cellules construites à l’île Saint-Joseph (environ 600 cellules) et surmontées d’un grillage au-dessus duquel passaient le chemin de ronde. La moindre infraction, et notamment à la règle du silence, pouvait être sanctionnée jusqu’à un mois de cachot au pain sec et à l’eau. Il n’était pas rare que ces condamnés deviennent fous ou aveugles, au point que l’administration pénitentiaire avait dû créer dans l’île Royale voisine un asile de fous pour abriter les survivants jusqu’à leur fin.

Dans les îles, on jetait les cadavres des forçats à la mer sans autre formalité.

Cette situation effroyable était connue des autorités métropolitaines mais non du grand public car niée par une presse à sensation complaisante, pratiquant la désinformation et le mensonge. On pouvait lire ainsi dans le journal La Liberté numéro du 20 septembre 1907 :
« L’existence des forçats est certainement préférable à celle de la plupart des petits employés qui gagnent 100 ou 120 F par mois... Les forçats n’ont aucun souci, pas de travaux fatigants à exécuter, je dirais presque pas de travaux du tout et la plupart d’entre eux jouissent à la Guyane, d’un bien-être qu’ils ignoraient complètement en France... Au point de vue de la nourriture, ils sont fort bien traités et, choses qui vous surprendra, ils touchent une ration de viande plus forte que celle des surveillants. » !!!!

Par contre, il suffit de lire un rapport du Procureur Général de Guyane établi en 1903 pour comprendre que les hautes autorités administratives et politiques métropolitaines étaient parfaitement informées.

En effet, ce Procureur Général, peu susceptible de complaisance à l'égard des forçats, dressait un tableau saisissant de la réalité du bagne à la suite d’une enquête menée sur plainte d’un condamné :
« Sur le chantier Charvein, les prescriptions réglementaires du décret de 1891 demeuraient complètement lettre morte, et l’arbitraire des agents subalternes en service tenait seul lieu de règle dans les punitions prononcées : les fers, la cellule et le cachot étaient appliqués sans mesure, comme au hasard, et prolongés pendant des jours et des mois, même pour les infractions les plus légères, pour bavardage par exemple. On avait fait fabriquer des fers qui mettaient les malheureux qui y étaient soumis dans l’impossibilité de se mouvoir sur le lit de camp sans que les ferrures entrassent dans les chairs (condamné Gouell et Lecourtier); quelques-uns sont même morts en cellule ou pour mieux dire au cachot, les deux pieds au fers, tels les condamnés Rambon, Breton, Cabrol, Lecourtier, ce dernier ayant été retrouvé mort dans sa cellule, le corps pendu par les pieds en dehors du lit de camp.
Les condamnés brutalisés, martyrisés par certains surveillants étaient en outre frappés odieusement par les contremaîtres de discipline qui, porteurs de sabre d’abattis, de gourdins ou de poignards, frappaient les condamnés quelquefois sans autre raison que pour la satisfaction de leurs rancunes particulières, leur occasionnant de très graves blessures : poignets abattus, doigts abattus, pavillon de l’oreille droite aux deux tiers enlevés etc. Enfin, poursuit le procureur général, de véritables assassinats ou tentatives d’assassinats ont été commis par des surveillants...
».

Il y eut bien d’autres rapports aussi hallucinants enfouis dans les archives des ministères et jamais suivi d’effet. Il a fallu attendre jusqu’en 1923, date des premiers grands reportages d’Albert Londres sur les bagnes de Guyane pour que la réalité soit enfin connue du grand public.

Albert Londres, et c’est aussi un mystère, eut accès à tous les sites du bagne, pu effectuer une enquête minutieuse et publier des articles très documentés dont le réalisme finit par retourner l’opinion publique et obliger la haute administration à combattre les abus les plus criants notamment quant aux privations, à l’alimentation et aux peines de réclusion cellulaire et du cachot.

L’effet de ces reportages fut ensuite relayé par une partie de la presse, et surtout par un officier de l’armée du salut, Charles Péan, qui mena pendant des années un combat visant à améliorer le sort des condamnés libérés, à leur venir en aide, et ne cessa de réclamer la fermeture du bagne. Avec Gaston Monnerville, député de Guyane, qui fut son relais auprès de la représentation nationale, il fut le maître d’oeuvre du décret-loi de juin 1938 abolissant la transportation.

Dès lors, il n’y eut plus de convois vers la Guyane, mais les condamnés encore présents sur ce territoire n’en avaient pas fini pour autant avec leur peine. Pire, pendant la guerre, sous le régime de Vichy, la condition des bagnards fut à nouveau effroyable avec un taux de mortalité de 48 % en trois ans, soit jusqu’en 1943, date de l’arrivée de l’armée américaine et de la construction de l’aéroport de Rochambeau pour lequel on eut recours à la main-d’oeuvre pénale.

Après 1945, les autorités organisèrent la fermeture progressive du bagne avec le rapatriement des condamnés et libérés qui s’échelonna jusqu’à un ultime convoi le 1er août 1953 à bord du navire San Matteo.

Quel bilan peut-on tirer de cette tragédie ?

On parlerait sans doute aujourd’hui de catastrophe humanitaire afin d’éluder les responsabilités et les aveuglements individuels ayant conduit à cette tragédie humaine.

En un siècle, environ 70.000 personnes ont connu les établissements pénitentiaires de Guyane et de Nouvelle-Calédonie, parfois les deux. Il y eut en permanence entre 5.500 et 6.500 individus condamnés présents en Guyane, soit 13 à 15 % de la population guyanaise.

L’échec de la colonisation est patent et été constaté dans les 10 premières années du bagne : absence de mise en valeur des terres et même absence d’auto-suffisance du bagne pour l’alimentation et les fournitures. Le seul chantier qui aurait pu réellement participer au développement de la Guyane, la route coloniale numéro 1, n’a jamais été achevé.

L' échec du système pénitentiaire colonial n’est pas moins évident en ce que l’objectif initial de réhabilitation par le travail n’a jamais été atteint, sauf à considérer cyniquement comme positif l’élimination physique de milliers de condamnés transportés.

Ironie de l’histoire, ce bilan catastrophique n’a pas empêché que lors d’un débat à l’Assemblée Nationale en 1977 sur l’éventualité de supprimer la peine de mort, il se trouva un député pour proposer que l’on transformât l’archipel des Kerguelen en terre d’exil à perpétuité pour les irréductibles du crime en remplacement de la peine capitale... Et ce député de proposer d’occuper les prisonniers à des travaux agricoles afin de leur redonner ainsi une dignité de vie... Cette proposition, loin d’être écartée pour son inhumanité potentielle, fut étudiée benoîtement par les ministères, puis rejetée mais uniquement en raison de son coût prévisible pour l’hébergement et l’entretien de 400 détenus et de 100 gardiens, estimé à 70 millions de francs annuellement.

Pour conclure, je laisserai à votre réflexion cette phrase d’Albert Camus qui disait ceci de façon laconique : «  une Société se juge à l’état de ses prisons » ....